Pour que la culture et les arts irriguent la transition écologique
Rendre l’écologie désirable : c’est l’une des nombreuses leçons que nous laisse Bruno Latour, penseur exigeant et inspirant.
Cela passe par de nouveaux imaginaires politiques, sociaux, économiques, urbanistiques souvent invoqués par les écologistes.
Ces imaginaires se forgeront aussi avec ceux qui ont pour métiers de représenter et réenchanter le monde, de l’écrire, le filmer, le mettre en scène, en musique et en rythme, le danser, le chanter, le peindre…
La culture n’est bien évidemment pas réductible à sa dimension artistique, encore moins à un « secteur ». Nos manières d’habiter, de manger, de soigner, de circuler, etc… sont éminemment culturelles
Une conception écologiste de la culture passe par la transversalité. Alors qu’en France, les politiques culturelles sont cantonnées au périmètre du ministère, il s’agit de reconnaître, dans l’ensemble des politiques publiques, la place de l’imaginaire, et celle des artistes : ni surplombante sur un piédestal, ni marginalisée, mais en phase avec la société.
Cette conception élargie de la culture se retrouve dans un concept dont EELV a œuvré à la reconnaissance depuis des années : les droits culturels, désormais inscrits dans la loi française (loi NOTRE sur les collectivités et loi LCAP sur la liberté de création.) Droits qui affirment le droit de tous-tes les citoyen-nes à participer à la vie culturelle et qui dépassent largement « l’accès à la culture » : chaque personne est reconnue comme être de culture.
Les droits culturels font partie des droits humains au même titre que les autres. Ils peuvent être définis comme les droits et libertés d’accès et de participation aux ressources nécessaires au processus d’identification culturelle développé tout au long de sa vie.
Les droits culturels permettent de mettre en valeur la dimension culturelle des autres droits de l'homme.
Beaucoup d’expériences vont dans le sens de leur mise en application concrète sur les territoires urbains comme ruraux, avec des acteurs culturels qui ne sont pas investis de la mission « d’apporter la culture au peuple », ni d’être seulement producteurs d’œuvres pour des publics, mais qui travaillent « avec », et non « pour » des personnes, dans des champs aussi variés que la préservation des milieux naturels, la lutte contre le dérèglement climatique, le soin, l’urbanisme, l’accompagnement social, la justice…
Ces expériences sont souvent menées par ce qu’on pourrait qualifier de « tiers secteur » de la culture, hors des institutions labellisées par le ministère et du secteur marchand. Ses acteurs œuvrent trop souvent dans la précarité.
À partir de ce socle, il s’agit d’œuvrer à une refondation des politiques culturelles et plus largement, à la reconnaissance de la culture comme partie prenante d’une transformation démocratique et écologique. Cela passe par une meilleure reconnaissance de la diversité des pratiques et des acteurs, et par des politiques qui encouragent la coopération sur les territoires plutôt que la concurrence entre les acteurs, et une nouvelle phase de la décentralisation.
Propositions
- Élargir le périmètre du ministère de la Culture à l’Éducation populaire, sous toutes ses formes, avec une meilleure reconnaissance des pratiques amateurs. Favoriser une approche territoriale transdisciplinaire des politiques de soutien, en encourageant la coopération des acteurs.
- Créer un programme d’avenir et d’appui aux démarches et expérimentations coopératives pour une transition culturelle, écologique et solidaire du secteur et des territoires, avec un fonds d’intervention interministériel pour des expérimentations transversales favorisant l’action artistique et culturelle dans une diversité de champs (environnement, social, santé, économie sociale et solidaire, ruralité).
- Mettre en place un dispositif large de soutien aux initiatives artistiques et culturelles citoyennes dans leur diversité et dans la singularité de leurs projets.
- Favoriser l’emploi culturel par des dispositifs pérennes et adaptés aux associations et très petites entreprises.
- Travailler à un statut de l’artiste élargi, qui au-delà de la production d’œuvres, reconnaisse l’intervention dans d’autres champs et la transmission comme partie prenante de l’activité artistique.
- Créer dans chaque région une maison commune des arts et de la culture pour favoriser la co-construction des politiques publiques entre Etat, collectivités, acteurs culturels et citoyens.
- Revoir les cahiers des charges des institutions culturelles dans une demande d’ouverture à une pluralité d’expériences et un partage de l’outil.
- Reconnaître la diversité linguistique et le droit à la pratique des langues régionales et d’origine. Encourager systématiquement, dès le plus jeune âge, les pratiques culturelles et artistiques.
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